Analyses Critiques

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LE REGIME DE CHANGE ET LA CROISSANCE : CONTRIBUTION DE L’ANALYSE THEORIQUE ET EMPIRIQUE AU DEBAT SUR LE FRANC CFA

Depuis un moment déjà, les débats sur le maintien ou non du Franc CFA opposent deux camps qui s’attaquent par presses interposées. D’un côté, nous avons les défenseurs de la parité Fcfa-Euro. Ces derniers trouvent des avantages dans la parité fixe avec l’Euro du fait que la stabilité du taux de change qui rend stable les niveaux de prix, est propice à l’Investissement, au commerce international et donc à la croissance. Les partisans de l’anti-Fcfa trouvent que l’arrimage du Fcfa-Euro est avant tout politique et non économique ; que « l’importation » de la politique monétaire de la France (aujourd’hui Zone Euro) est couteuse pour les pays de la zone franc qui voient leur monnaie surévaluée faisant que les biens et services de celle-ci sont moins compétitifs que ceux de leurs concurrents. Au-delà, de ses analyses, il est important d’analyser le lien qui existe entre type de régime de change et croissance économique, surtout dans la zone UEMOA. Une analyse technique et dépolitisée permettra nous l’espérons d’apporter une plus-value aux débats et des approches théoriques et empiriques sur le sujet pour le bien-être des populations par des politiques adaptées aux structures de nos économies.

 

Le choix d’un régime de change optimal pour un pays donné est très important. Les études empiriques et théoriques ont épilogué sur le sujet sans jamais l’épuiser. La théorie économique estime qu’il n’existe pas de lien direct entre le régime de change et la croissance économique d’un pays. Le régime de change est un tampon, un outil d’ajustement des chocs économiques et que par conséquent, il n’a aucun effet sur les variables réelles à long terme (Mundell, 1961). C’est par conséquent la capacité d’ajustement de l’économie qui favorise la croissance. Les études empiriques pour la plupart ont quant à elle montré un lien entre le régime de change et la croissance économique des différents pays à travers ses effets sur certains déterminants de la croissance dont le degré d’ouverture de l’économie, de développement de son système financier (BAILLIU , LAFRANCE, & PERRAULT, 2001). Et c’est justement ces études qui stipulent qu’il existe un régime de change approprié pour atteindre un niveau de croissance dans un pays donné, sous certaines conditions.

 

Après la chute du système de Breton Wood au début des années 70, les pays membres étaient désormais libres de choisir le type de régime de change (fixe, intermédiaire, flottant) approprié à leur économie. C’est dans cette optique qu’une étude du FMI (1999), a proposé une solution « bipolaire » pour les économies en voie de développement et les pays émergents. Il s’agit des solutions en coin : le régime de change fixe ou les caisses d’émission et les régimes de change flottant. La solution bipolaire s’est révélée inefficace pour les pays en développement et émergents. L’étude du FMI (2003) a alors suggéré que les pays en développement laissent flotter leur monnaie. Ces pays pour qui une appréciation ou dépréciation de leur monnaie peut avoir des effets néfastes sur leur économie ont développé « la peur du flottement ». Cette peur les contraint donc à soit ancrer leur monnaie à une monnaie forte ou à opter pour un régime de change intermédiaire. Ce dernier régime apparait alors pour les économies en voie de développement comme le régime à même de créer une plus forte croissance économique (Ghost et Ostry, 2009).

 

Dans la perspective de la création de la monnaie Unique CEDEAO à l’horizon 2020, des études ont été menées en vue de déterminer le régime de change approprié pour la nouvelle monnaie unique. Les débats empiriques et théoriques sur le régime de change optimal pour la Zone CEDEAO se posent de ce fait.

Les études empiriques ont montré qu’il existe un lien entre le taux de change et la croissance dans les pays émergents et en voie de développement (Bailliu et al, 2001). Dans cette étude, il est clairement mis en exergue l’importance du régime de change sur la croissance économique. Les régimes de change intermédiaire et flottant ont un impact plus important sur la croissance économique des pays émergents et en voie de développement que le change fixe. De même, les études empiriques concernant l’Afrique subsaharienne (ALOUI & SASSI, 2005) et la CEDEAO (DIOP & FALL, 2011), (KINDA, 2012) et (DIAW & KA, 2012) confirment les résultats obtenus pour les pays en développement. Autrement dit, le régime de change intermédiaire est plus à même de créer une croissance économique plus soutenue pour les pays de la CEDEAO dans la perspective de la création de la nouvelle monnaie CEDEAO.  En outre, une étude de Ripoll (2011) montre que  les pays de l’UEMOA à régime de change fixe ont eu une croissance économique plus faible que ceux de la Zone Monétaire Ouest africaine (Ghana, Nigéria, Libéria, Sierra Léone etc.) à régime de change plus flexible.

Hélène D JOUFELKIT (2005) dans une étude pour l’AFD sur l’évolution des taux de change effectifs réels des pays de la Zone Franc entre 1993-2006 montre une appréciation nette du Franc CFA par rapport à ses concurrents. Ce qui fait que les produits de cette zone sont moins compétitifs sur le marché international. Par exemple, l’ananas ivoirien coutera plus cher que l’ananas Nigérian du fait de l’appréciation du FCFA.  

 

Pour terminer, il est important de montrer que les études empiriques et théoriques militent en faveur d’un régime de change intermédiaire pour les pays en développement où les chocs sont à la fois réel et monétaire et où le système financier est moins développé. Ce type de régime permettrait donc à la BCEAO d’avoir en main une politique monétaire interne. Le débat sur le Fcfa au-delà du politique doit être ramené sur le terrain économique, sans passion. L’économie mondiale sera impitoyable avec les économies qui ne s’adapteront pas.

 En terminant, il convient de souligner qu’aucun régime de change n’est optimal pour tous les pays ni à toutes les époques, pas plus qu’un régime de change ne saurait suppléer à l’absence de bonnes politiques économiques et de solides institutions. Le régime de change doit être considéré comme un élément constitutif d’un régime monétaire cohérent, lui-même partie intégrante d’un cadre macroéconomique sain.

 

Bibliographie indicative

ALOUI, C., & SASSI, H. (2005, Novembre). Régime de change et croissance économique : une investigation empirique. Economie internationale 4/2005 (no 104), pp. p. 97-134.

BAILLIU , J., LAFRANCE, R., & PERRAULT, J.-F. (2001). Régime de change et croissance dans les marchés émergents. actes du colloque organisé par la Banque du Canada, novembre 2000, Bank of Canada, Ottawa, 347-377.

Bailliu, J., & Murray, J. (2002-2003). Les régimes de Changes dans les économies émergentes. Revue de la Banque de Canada, pp. PP19-30.

DIAW, A., & KA, B. (2012). Régime de Change et croissance économique: cas des pays de la Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest(CEDEAO). Conférence économique africaine (p. 24). Kigali, Rwanda: Université Cheikh Anta Diop de Dakar.

DIOP, M., & FALL, A. (2011). Problématique du choix du régime de change dans les pays de la CEDEAO. Dakar: Direction de la Planification et des Etudes Economiques.

KINDA, M. (2012). Régime de change et croissance économique dans la communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO). Ouagadougou: Université de Ouagadadou.

RIPOLL, L. (2001). Choix du régime de change: quelles nouvelles? Montpellier: Université de Montpelier.

 

Pîiga Souleymane YAMEOGO ; Spécialiste Macro-économie et Finance Internationale ; Pôle scientifique de Bingerville-Université Felix-Houphouet Boigny de Cocody (Abidjan).

YAMEOGO, P. S. (2016). Régime de change et croissance dans l'UEMOA. Abidjan: Memoire de M-2 Recherche, Université FHB Cocody.

Contact : Souleyman_niets@yahoo.fr/ 00225 59 735 868 (ABIDJAN)

 



04/10/2016
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