Analyses Critiques

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Les jeunes Africains : ces parias du monde du travail

mardi 5 juin 2012, par Burkinapmepmi.com


 

Le rapport rendu public mardi 28 mai sur les perspectives économiques en Afrique, à l’initiative de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) met en exergue la différence entre les jeunes des pays pauvres, parmi lesquels les pays africains, avec ceux des pays riches. Il fait état d’une qualité de main d’œuvre insuffisante dans les pays pauvres d’un côté et d’une quantité insuffisante dans les pays à revenu intermédiaire et à fort revenu de l’autre.

L’économiste français Jan Rielaender de l’OCDE parle de « temps durs pour les jeunes Africains ». Il dénonce la difficulté particulière des jeunes africains à pouvoir s’intégrer dans le monde par manque de perspectives et d’opportunités professionnelles. D’après lui, son institut estime à environ 40 millions le nombre de jeunes en situation de chômage sur le continent, dont 18 millions sont à la recherche active d’un emploi contre 22 millions qui ont renoncé à toute démarche de quête d’emploi.

Ceux-là sont davantage touchés par ce fléau et plus exposés à la précarité que les jeunes des autres continents, alors que depuis 2011 l’Afrique subsaharienne affiche l’un des plus forts taux de croissance de la planète avec une estimation de plus de 5%.

 

« Les jeunes découragés » et « les jeunes sans emploi »


Le rapport fait un état des lieux sur le plan socio-psychologique de la jeunesse africaine et se penche sur un fait très majeur concernant la situation des jeunes, notamment une distinction considérable entre « jeunes découragés » et « jeunes sans-emploi ». Les experts économiques estiment que le fait de n’avoir jamais pu comptabiliser les jeunes dits "découragés" comme partie prenante de la population active (en quête d’emploi) a considérablement contribué à minimiser les dangers et les souffrances auxquels ces jeunes sont confrontés quotidiennement sur le marché du travail. Ceux-ci, en général par déceptions répétitives et emprunts au fatalisme, doivent souvent renoncer à tout espoir de trouver un emploi malgré de nombreux diplômes en poche. Inversement, seuls les « jeunes sans emploi » (toujours en quête d’emploi) sont considérés comme demandeurs d’emploi.

Même si, d’après l’étude, les jeunes sans emploi s’en sortent bien mieux et ont plus de chances de trouver un emploi que les « découragés », la psychose de la quête reste un enjeu important et incontournable à prendre au sérieux dans toute sa dimension, sans laisser en chemin aucune couche de la population.

 

Les jeunes du continent ne gagnent pas assez pour vivre


Parmi les pays les plus touchés par la densité du chômage, les pays d’Afrique Australe (avec des revenus moyens ou intermédiaires) qui affichent le chômage le plus élevé aussi bien chez les jeunes que chez les adultes. L’Afrique du Sud, par exemple, révèle qu’en 2009 le taux de chômage chez les jeunes avoisinait les 50 % contre 19 % chez les adultes. En Afrique du Nord, le ratio relatif au taux de chômage jeunes/adultes est le plus élevé sur le continent. Dans plusieurs pays, la plupart des jeunes essaient de travailler « informellement » mais ne gagnent pas assez pour vivre.

M. Rielaender estime que « dans les deux cas (jeunes au chômages ou jeune qui travaille, ndlr), ces jeunes ont besoin que la croissance en Afrique crée des emplois plus nombreux et de meilleure qualité. Et ils ont besoin que ce changement s’opère vite ». Selon ses pronostics, dans le courant de la prochaine décennie « 130 millions de jeunes sortiront en effet du système éducatif et chercheront du travail », mettant ainsi la croissance galopante de la population du continent face à une perspective professionnelle insuffisante pour sa jeunesse.

 

200 millions de jeunes Africains en situation de précarité


Le rapport a pu par ailleurs mettre en évidence un lien réciproque entre le chômage des jeunes et celui des adultes. D’après les experts, les pays affichant un niveau élevé de chômage des jeunes ont aussi un niveau élevé de chômage des adultes, et inversement. Ils démontrent aussi que le taux d’emploi de la population en âge de travailler recule fortement lorsqu’un pays s’enrichit. Et ce schéma est « propre à l’Afrique ». Curieusement, les pays les plus pauvres d’Afrique comptent moins de jeunes au chômage que leurs voisins mieux lotis. On estime à 200 millions le nombre d’habitants africains âgés de 15 à 24 ans, dont 53 millions en situation précaire.

Le document fait part d’un problème de qualité dans les pays à fort revenu et de quantité dans les pays à revu intermédiaire, dont une bonne partie de pays africains. Il parle également de cinq types de marché du travail qui existent pour les jeunes en Afrique, en fonction du PIB par habitant, du niveau de l’emploi salarié (variable indicative de l’emploi dans le secteur formel), de l’emploi précaire (variable indicative de l’emploi dans le secteur informel) et de la proportion de NEET, c’est à dire ni étudiant, ni employé, ni stagiaire (de l’anglais Not in Education, Employment or Training). Les pays les plus pauvres affichent un faible niveau d’emploi salarié, un pourcentage élevé d’emploi précaire et peu de jeunes NEET.

 

Beaucoup de jeunes sur le continent préfèrent être chômeurs que « travailleurs pauvres »


Bon nombre de jeunes parmi les plus pauvres doivent travailler pour subvenir à leurs propres besoins et à ceux de leurs familles. En Afrique, le taux de pauvreté des travailleurs et le taux de chômage entretiennent une corrélation négative forte. Par conséquent, beaucoup de jeunes préfèrent être au chômage plutôt que de travailler et rester pauvre.

A propos du rôle ou l’apport des entreprises sur le sol africain, les grandes entreprises, locales et multinationales, sont les principales sources d’emploi avec de bonnes rémunérations pour les jeunes. Mais ces offres sont des « perles rares » et seule une infime partie de la population jeune est embauchée, d’après la tribune de M. Rielaender. Ainsi, la grande partie des employeurs du continent sont les petites entreprises. Elles sont, en général, tenues par des particuliers qui vendent des produits simples, des services de réparation ou bien elles mènent une activité manufacturière rudimentaire, comme la fabrication de mobilier. Les secteurs des hautes technologies ou Internet contribuent de manière très importante à l’essor professionnel des jeunes.

M. Rielaender insiste sur le fait que ces entreprises et multinationales, qui représentent « un rendement de 60-70 % sur leur capital chaque année », se « heurtent à des obstacles auxquels l’État peut remédier ». Il évoque notamment quelques problèmes dans le fonctionnement administratif.

Dans un premier temps, il pointe du doigt les comportements des États africains à l’égard des petites entreprises. Selon l’économiste, « l’histoire du vendeur de légumes tunisien Mohamed Bouazizi illustre bien l’importance des PME ». Ce jeune homme avait dû se donner la mort suite aux harcèlements quotidiens des fonctionnaires de la police et de la mairie. Il parle, entres autres, des pouvoirs publics qui, selon lui, « peuvent favoriser l’instauration d’un système d’assurance sociale adapté aux besoins des petites entreprises telles que celle de Mohamed Bouazizi ».

 

Les crédits


Il aborde enfin la problématique des crédits, estimant qu « en Afrique, bien souvent, les chefs des petites entreprises n’ont pas accès aux crédits qui leur permettraient de développer leur activité, l’amélioration de la qualité des services pourrait jouer un rôle majeur ». Dans ce cas, il vise, par exemple, les problèmes structurels tels que le manque d’électricité, surtout dans les zones rurales

par Thomas Yonkeu
afrik.com



06/06/2012
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