Analyses Critiques

Analyses Critiques

L’impôt comme contre partie de la liberté d’expression


 

La campagne présidentielle vient de prend fin, ainsi que les élections qui l’ont suivi. La remarque fondamentale que nous faisons en tant qu’observateurs de la scène politique de ce pays, est que la plupart des candidats, en se muant parfois en économiste, sont passés à côté des besoins de la population. En effet, les populations ont besoin certes, de manger à leur faim, payer la scolarité de leurs enfants à moindre frais, se soigner dans de meilleurs hôpitaux et à moindre frais. Cependant, l’atteinte de ces besoins des populations nécessite une vision (idée claire et précise de ce qu’on voudrait du Burkina) et surtout une stratégie qui puisse permettre d’atteindre les objectifs de manière efficiente tout en l’étalant dans le temps. Car un développement efficient doit privilégier le stratégiquement adéquat à l’immédiatement rentable, pour parler comme les manager de projets. Et ce n’est pas les idées qui manquent, encore moins la vision ! Le gouvernement paie des spécialistes qui travaillent sur le devenir du Burkina. Par exemple, l’étude prospective Burkina 2025 ou le SNAT (Schéma National d’Aménagement du Territoire).  

Malheureusement aucun candidat ne s’est réellement inspiré de ce travail. Ensuite, la faiblesse de la majorité des candidats, c’est que l’accent n’a pas été suffisamment mis sur la stratégie de mobilisation des ressources pour financer leur programme. Car la population doit savoir quelles charges elle doit supporter pour financer son développement ! En effet, c’est dans la capacité de mobilisation des ressources que les populations peuvent juger de la pertinence des programmes de gouvernement. Malheureusement, les candidats n’ont pas semblé maîtriser ce paramètre et c’est dommage !

 

Maintenant que tout est passé, le nouvel ancien président de la république  est connu, le nouvel ancien premier ministre connu, le presque nouvel ancien gouvernement connu, nous sommes en droit de nous poser des questions sur ce qui va advenir de toutes les promesses faites. Et surtout des sacrifices que la population va encore consentir pour que le système fonctionne. Et c’est justement ce dernier point qui nous intéresse dans cette analyse. Mais bien avant, nous présenterons brièvement les chiffres du budget 2011.

 

Qu’est que le budget de l’Etat ?

Le budget de l'État est le moyen par lequel le gouvernement met en œuvre son programme de développement. C’est-à-dire l'ensemble des comptes décrivant les recettes et les dépenses de l'État pour une année. L’État l’équilibre au moyen de l’endettement (si nécessaire), ou en plaçant ses excédents.

Les recettes de l’Etat sont constituées des recettes fiscales (impôts sur le revenu, bénéfices et gains en capital, impôt sur les salaires, droit à l’exportation...), les recettes non fiscales (droits et frais administratifs, amendes et condamnations pécuniaires…), les recettes en capital (cessions des immobilisations incorporelle : vente de terrain, cessions des actions de l’Etat…). Ces recettes constituent les ressources propres de l’Etat. Et si on se rend compte que ces recettes ne suffisent pas à équilibrer le budget, la loi autorise l’Etat à procédé à des emprunts  et l’autorise à recevoir des dons. Dons et emprunts représentent donc les ressources extraordinaires de l’Etat. La somme des ressources propres et des ressources extraordinaires de l’Etat, représentent les recettes totales de l’Etat. Recettes qui vont permettre de financer le développement.

Les dépenses de l’Etat sont constituées des dépenses courantes (amortissement, charge de la dette, dépenses en atténuation des recettes, dépenses de personnels, dépenses de fonctionnement, dépenses de transferts courants) et les dépenses en capital (Investissement, transfert en capital)

Le budget 2011 s’élève à 1166,3 milliards de francs CFA en dépenses et les recettes s’établissent à 1002,8 milliards de francs CFA. Comparativement au budget de l’année dernière, on observe, des hausses de 12,48% des recettes et de 1,22% des dépenses.

La hausse plus que proportionnelle des recettes par rapport aux dépenses a naturellement contribué à faire baisser  de 37.16% par rapport à l’année 2010, le besoin de financement, estimé à 164,3 milliards de francs CFA contre 261,5 milliards en 2010.

L’épargne budgétaire est de 86.4 milliards de franc CFA en 2011 contre  28.1 milliards en 2011. Cela signifie que les ressources propres de l’Etat après avoir couvert les dépenses courantes dégagent une épargne budgétaire de 86.4 milliards de francs CFA en 2011.

Cette épargne budgétaire permet une couverture partielle des dépenses en capital. Ce déficit, bien que couvert en partie par des apports extérieurs, dégage un besoin en financement de 164,3 milliards FCFA que le ministre des finances devra par des voies et moyens obtenir pour équilibrer le budget.

Après cette analyse du budget, il ressort que l’Etat a fait des prévisions de 1002,8 milliards de recettes pour 2011. Ces recettes, vont être en partie payées par nous tous !

L’obligation de payer l’impôt

 

Pour mettre en œuvre sa SCADD afin de réaliser l’émergence à l’horizon 2015, l’Etat doit pouvoir mobiliser les ressources nécessaires pour financer ses programmes et faire fonctionner ses services. D’où viendront ces ressources nécessaires ? L’analyse des recettes ci-haut, nous a permis de comprendre que la majeure partie des ressources à mobiliser le seront sur le travail des populations.  Pour cela la population doit payer l’impôt ; c’est pourquoi, ceux qui ne paieront pas seront punis sévèrement, selon la loi. Ceux qui n’ont pas payé la TDC et qui ont eu la malchance de tomber entre les mains des policiers de Simon en savent quelques chose. Et l’Etat est strict à ce niveau. L’impôt doit être payé pour le bien de la population. Pour payer les services publics dont jouit le citoyen.

 

La contrepartie de l’impôt

Tout contribuable est un financier du développement de son pays. En achetant un bonbon, une chaussure, en payant le courant, l’eau etc… les populations autorisent l’Etat à prélever une partie de cet argent pour satisfaire ses besoins. Par exemple, pour un achat de 100F, le citoyen paie 18F de TVA. L’entrepreneur doit verser une partie de ses bénéfices à l’Etat. Le travailleur doit verser une partie de son salaire à l’Etat etc. Même la vendeuse d’eau dans la rue doit payer l’impôt. La question que nous sommes en droit de nous poser aujourd’hui, est : quelle est la contrepartie réelle de l’impôt ?

En collectant l’impôt, l’Etat autorise la population à avoir un droit de regard sur toute politique nationale, qu’il peut critiquer s’il estime que cela ne répond pas à ses besoins. Lorsqu’un citoyen se rend dans un service public, et qu’il est mal traité, il est en droit de se plaindre. Car c’est lui qui permet le fonctionnement de ce service (paiement des salariés, entretien des locaux, achats etc.). Quand la Télévision Nationale du Burkina (TNB) censure un citoyen, ce dernier aussi est en droit de se plaindre, car le citoyen paie pour que la TNB lui procure des services et lui permettent de s’exprimer. Dans ce sens, l’Etat c’est le peuple, car c’est le peuple qui paie tout. Reste aux autorités de bien repartir et utiliser les ressources prélevées sur les populations (individu, entreprises…).

 

Dans cette situation, la contrepartie réelle de l’impôt, c’est la liberté d’expression. La liberté d’apprécier les services qu’on lui offre. Si payer l’impôt est obligatoire pour le citoyen, c’est un devoir pour l’Etat de rendre compte et d’écouter, qu’il le veuille ou pas, les appréciations de ces mêmes populations. Malheureusement, cela n’est pas le cas au Burkina Faso. Combien de travailleurs ont été convoqué pour avoir donné des informations à des journalistes qui voulaient informer les populations sur ce qui se fait avec leur argent ?

Le refus de payer l’impôt n’est pas une subversion, encore moins un comportement puéril, mais l’expression d’un mécontentement général de la population. La population ne voit pas les effets positifs de  l’impôt sur leur niveau de vie. La paupérisation est une constante qui devient un attribut de la politique nationale actuelle. L’abstention de la population à la dernière élection présidentielle exprime son désaveu de la politique de Blaise COMPAORE.

Payer l’impôt est un acte citoyen. Rendre compte est aussi un acte citoyen. Quand le refus de rendre compte devient loi, l’impôt devient violation de la loi et des droits des populations. Pire, l’impôt devient un vol de l’Etat sur les populations.

 

Souleymane YAMEOGO, Economiste



26/01/2011
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