UN USAGE REPANDU DE LA MONNAIE
En effet l'usage de la monnaie, en Afrique kmt, pendant la période précédant la Traite des Noirs et la colonisation, sous forme de biens numéraires ou de pièces métalliques frappées était largement répandu.
Sous forme de biens numéraires, étaient utilisés comme monnaie en Afrique kmt, le sel, l'or, les cauris, des céréales, des tissus, des barres de cuivre etc. Les témoignages des voyageurs arabes, entre autres, en font foi. Ainsi, El Bekri (doc. cit. p. 325) notait à propos de Silla, ville située sur les rives du fleuve Sénégal : « Les habitants de Silla emploient comme monnaie le dora (une céréale), le sel, les anneaux de cuivre et de petits pagnes de coton qu'ils nomment Chigguïya » ; et de faire remarquer concernant les EI-Ferouîn, peuple du Nord Sénégal (doc. Cit. p. 327) : « dans le pays des El-Ferrouïne, le sel se vend au poids de l'or » ; alors que pour la ville de Gao, capitale de l'ancien empire Sonrai, en Afrique Occidentale, il observait : « Dans le pays de Kaoukaou (entendu Gao), le sel tient lieu de monnaie dans les opérations commerciales (op. cit., P343) ». Plus tard, au XIVème siècle, à Gao, le sel sera remplacé par le cauri comme monnaie si l'on en croit les récits d'Ibn Battûta qui, après avoir fait remarquer que Gao était une cité très riche, notait :(doc. Cit., p.72) : « Ses habitants pratiquent la vente et l'achat avec des cauris du Malli » etc. Cette multiplicité de monnaie, laisse penser que chaque royaume, chaque ville, avait vraisemblablement sa monnaie. Cependant, l'étalon or, pour utiliser un langage moderne, était connu et servait probablement de base de convertibilité entre ces monnaies, celles-ci et les monnaies étrangères : c'était le mitkal. D'après le Tarikh es Soudan et le Tarikh el Fittah, ouvrages rédigés par des nègres de Tombouctou au XVIème siècle (Cheikh Anta Diop, op. cit., p.101), l'étalon or, le mitkal, représentait une quantité conventionnelle d'or en poudre de 4gr 6 et valait un taux de change entre 500 et 3000 cauris [1]. C'était en mitkal qu'étaient prélevées les taxes douanières qu'imposait le souverain du Ghana sur les importations et les exportations liées à son territoire. El Bekri l'a confirmé en notant (doc. cité, pp 330-371) : « le roi (du Ghana) prélève un droit d'un dinar d'or sur chaque âne chargé de sel qui entre dans son pays, et deux dinars sur chaque charge de la même substance que l'on exporte [2]. La charge du cuivre lui paye cinq mitkals, et chaque charge de marchandises dix mitkcals ». Plus tard au XIVème siècle, Ibn Battûta, mentionnant les gratifications dont il fut l'objet de la part du Sultan du Mali, a noté ( doc.cité p53). « A la vingt-septième nuit de ramadan, il (le roi du mali) distribua au cadi, au hatib et aux fugahâ de l'argent qu'ils appellent zakat. En même temps, il me donna trente trois mitkal et un tiers. Il me gratifia au moment de mon départ de cent mitkal d'or... ». 'est encore probablement ce poids d'or conventionnel, le mitkal, qui fut l'étalon par rapport auquel étaient frappées les pièces de monnaie utilisées dans le commerce en Afrique, comme le suggérait l'historien Idrissi (Cf. Cheikh Anta Diop, op. cit. pp 101-102) dans un récit relatif à l'or du pays des Lem-Lem :« Lorsque le fleuve est rentré dans son lit chacun vend son or. La majeure partie est achetée par les habitants de Wardjelan et par ceux de l'extrémité de l'Afrique Occidentale où cet or est porté dans les hôtels des Monnaies, frappé en dinars et échangé dans le commerce contre des marchandises. C'est ainsi que les choses se passent tous les ans. C'est la principale production du pays des noirs : grands et petits ils en tirent leur substance. Il y a dans le pays du wangara des villes florissantes et des forteresses renommées, ses habitants sont riches ; ils possèdent de l'or en abondance et reçoivent les productions qui leurs sont apportées des autres parties les plus éloignées de la terre. Ils se couvrent de manteaux et d'autres sortes de vêtements ; ils sont entièrement noirs. »
Toutes les remarques faites ici, concernant la division sociale du travail, le caractère marchand, monétaire de l'économie suggèrent, qu'en Afrique kmt pré coloniale, du moins à la veille de
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