Analyses Critiques

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Les conditions de l’émergence d’une nation


Aujourd’hui, la campagne présidentielle est lancée. C’est tant mieux car pourrons-nous alors mesurer la pertinence des projets de société à l’aune des propositions que chaque candidat nous présentera. En effet, la campagne présidentielle transforme les politiques en économistes qui parfois font des propositions pas forcement réalisables ou parfois inopportunes. C’est pourquoi, la responsabilité des économistes en cette période électorale s’impose pour permettre aux uns et aux autres de juger de la pertinence de certains programmes.    

Pour l’heure, un mot revient dans presque tous les discours : « faire du Burkina, un pays émergent ! ». Si cette approche est bien appréciable, car c’est une étape intermédiaire avant le développement, il faut reconnaitre qu’un préalable à l’émergence s’impose.

Qu’est ce que l’émergence ?

La définition communément admise de l’émergence est la suivante : « un pays en développement qui constitue un pôle d’attraction des investissements (nationaux et étrangers), qui diversifient et accélère, durablement et harmonieusement, sa croissance économique et qui s’intègre avec succès à l’économie mondial grâce à sa capacité d’exportation est dit émergent ».

Pour être plus simple, la notion de sous-développement sous-entend qu’il existe une référence de développement vers lequel tous les pays veulent tendre. C’est-à-dire celle des pays riches. Un pays émergent est un pays qui se trouve dans une phase intermédiaire entre la pauvreté et la richesse. Il dispose des conditions devant accélérer sa marche vers la convergence avec les pays riches (même niveau de revenu, d’éducation, d’épargne etc. que les pays riches).

Quels sont les conditions de l’émergence ?

Le développement étant un processus de longue haleine, l’émergence représente une étape qui lorsqu’elle est franchie rend soutenable le chantier de rattrapage des pays riches. En effet, pour émerger, un pays doit se mettre aux normes internationales de compétitivité et s’aligner sur les meilleures pratiques. Pour ce faire, cinq (5) objectifs globaux doivent être atteints.

Objectif 1 : Stabilité politique et macroéconomique

  • Stabilité politique et sociale et un bon cadre de vie ;
  • Gestion saine et dynamique des finances publiques (y compris la priorité accordée, dans les dépenses, aux investissements dans le développement des ressources humaines et des infrastructures)
  • Une inflation modérée et un taux de change réaliste.
  • Etc.

Objectif 2 : dynamisme économique et ouverture

  • Une croissance du PIB en hausse tendancielle ;
  • L’existence d’un secteur privé local dynamique, compétitif, créatif, intègre et visionnaire ;
  • Capacité à générer une forte épargne locale et la disponibilité d’un bon système bancaire et financier local, régulé par des instances de supervision efficaces et capables de faire une allocation optimale des ressources.
  • La mise en place d’un système d’incitations de qualité (fiscalité, terrains et bâtiments  industriels, politiques agricole etc.)

Objectifs 3 : un cadre réglementaire de qualité

  • La rationalisation des procédures administratives liées à l’exercice des activités économiques et la lutte contre la corruption.
  • La promotion d’une administration publique compétente, intègre, crédible et prévisible, accueillante et déterminée à faire gagner le secteur privé.
  • La mise en place d’un système juridique et judiciaire crédible, capable de faire appliquer la loi, dans l’équité et dans la transparence, en particulier à faire respecter les droits de propriété et les contrats.

Objectif 4 : Des bases à long terme du développement

  • La capacité à absorber et à adapter les nouvelles technologies, y compris les NTIC
  • La disponibilité d’une main d’œuvre locale bien formée, qualifiée, productive et alliée avec les employeurs pour faire progresser l’entreprise et donc l’Etat.
  • La répartition équitable des fruits de la croissance pour renforcer la cohésion sociale
  • L’existence de bonnes infrastructures et d’un bon système de télécommunications.

Objectif 5 : La capacité et la volonté à attirer les investisseurs

  • La mise en œuvre d’une bonne promotion du pays, à travers des agences de promotion et des stratégies de communications gagnantes
  • Le consensus national sur les orientations afin de les rendre irréversibles.

Pour conclure

Ces objectifs, certainement, non exhaustifs, permettent de cerner les points importants qui doivent figurer dans le projet de tout candidat souhaitant faire émerger le Burkina Faso. En effet, sans des institutions fortes, une capacité de l’Etat à générer une épargne forte (locale comme étrangères), une diversification des exportations (surtout en biens manufacturiers) et une industrialisation de l’économie, sans une éducation excellente et pointue et des infrastructures adéquats, etc., l’émergence du Burkina restera une simple vue de l’esprit, à plus forte raison, le développement qui est un processus long et fastidieux.

Si en 1960, la Corée du Sud était au même niveau de développement que certains pays de l’Afrique subsaharienne, il reste qu’aujourd’hui, la Corée du Sud est un pays  émergent qui a su mettre en pratique certaines mesures pour y arriver. Elle a réussi à combiner attraction des investissements étrangers, promotion active des exportations (y compris par la manipulation des taux de change et le maintien de plusieurs marchés de change au niveau interne), protection (par le biais de tarifs et d’éléments non tarifaires) et subvention des industries locales, encouragement des PME ou des grandes entreprises etc.

 

 

 

Sources :

Economie internationale, Paul Krugman

L’émergence économique des nations : définition et mesure, Moubarack LO



15/11/2010
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