Analyses Critiques

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LIBERALISME ECONOMIQUE ET DEVELOPPEMENT DE L’AFRIQUE

Les pays Africains du pré-carré français ont 50 ans d’indépendance. Ces pays sont désormais libres de leurs politiques nationales de gouvernance politique, économique et socioculturelle. Ils sont capables de défendre en toute liberté et sans entraves aucunes leur point de vue sur le plan international. Voilà en substance ce qui semble ressortir de la célébration en pompe des cinquantenaires de l’indépendance de ces pays. Si tel est le cas, ne sommes-nous pas en droit alors d’accuser nos responsables politiques de tous les maux qui nous minent ? Heureusement, nous sommes suffisamment avisés pour comprendre que derrière l’affirmation de la liberté, de l’indépendance, se cache une dépendance insolente et humiliante.

L’Afrique disposent d’économistes de qualité, qui sont capables de penser l’économie des pays africains en tenant compte des réalités de ces derniers et des objectifs que peut viser une économie sociale et solidaire. Malheureusement, ces économistes sont ignorés. C’est pourquoi, nos intellectuels seront contraints d’enseigner dans de grandes universités occidentales au détriment de leur pays. Ou même quand ils daignent revenir enseigner dans leurs pays respectifs, les conditions de vie et de travail sont tellement exécrables qu’ils se noient dans le quotidien d’une vie sans importance et sans enjeu. Ce qui est un gaspillage de ressources.

Le problème de l’Afrique n’est pas forcement le manque de ressources humaines, mais plutôt la mauvaise allocation de ces ressources dans les divers domaines de l’économie.

POURQUOI LE DEVELOPPEMENT EN AFRIQUE SERA DIFFICILE

  • Le modèle économique occidental n’est pas compatible avec la vision du monde de l’Africain

Pour se développer, il faut avoir une idée claire de ce que c’est que le développement. Et il est important de comprendre que le développement ne saurait être une variable universelle. Le développement est le fruit d’un souhait, d’une vision personnelle de ce que nous voulons devenir dans tous les domaines de la vie (économique, politique, sociale culturel, psychologique…). Et comme les sociétés n’ont pas toutes la même vision du monde, elles ne peuvent donc pas avoir la même vision du développement.

Or aujourd’hui, il semble qu’il existe un seul modèle de développement. Et que pour l’atteindre il faut libéraliser l’économie.

D’où vient ce libéralisme ?

Le libéralisme économique est une école de pensée, née au siècle des Lumières, qui estime que les libertés économiques (libre-échange, liberté d'entreprendre, libre choix de consommation, de travail, etc.) sont nécessaires en matière économique et que l’intervention de l’État doit y être aussi limitée que possible.

Il est important de comprendre que le libéralisme économique est issu d’une pensée philosophique de l’époque des lumières (XVIIe, XVIIIe s) qui plaçait l’homme au centre de tout et dont la liberté devait être respectée. La liberté individuelle était vénérée. Les précurseurs de cette théorie étaient en substance Adam Smith, D. Ricardo, Thomas Malthus, jean baptiste Say…

Thomas Malthus dira en substance : « Un homme qui est né dans un monde déjà occupé, s’il ne peut obtenir de ses parents la subsistance, et si la société n’a pas besoin de son travail, n’a aucun droit de réclamer la plus petite portion de nourriture, et en fait il est de trop. Au grand banquet de la nature, il n’y a pas de couvert mis pour lui. Elle lui commande de s’en aller, et elle met elle-même promptement ses ordres à exécution s’il ne peut recourir à la compassion de quelques-uns des convives du banquet.».

Cette pensée individualiste résume bien la pensée occidentale. Et celle-ci va se retrouver dans leur manière toute particulière de penser l’économie.  C’est pourquoi, appliquer cette théorie économique occidentale, c’est modifier foncièrement les habitudes des africains, les couper de leur réalité sociale d’où devait sortir les modèles économiques pour leur développement.

Si 50 ans après, le continent africain n’arrive pas à proposer un modèle économique compatible avec sa vision du monde et à créer « l’homo africanicus » rationnel, alors nous sommes en droit de nous poser des questions sur l’importance de cette indépendance. Si l’on doit s’ouvrir au monde, il faut qu’on y aille avec dans nos valises des modèles de développement qui nous soient propres.

  • Le libéralisme économique est profitable qu’entre Etats de presque même taille

Le libéralisme économique soutient que l’intervention de l’Etat est néfaste pour l’économie. La crise de 2007 a montré que l’Etat garde une place importante dans l’économie, car c’est lui qui fut obligé d’injecter de l’argent pour redynamiser le marché. Et à chaque fois que le marché « pète un câble », on fait appelle à l’Etat pour recoller les morceaux. La place de l’Etat est importante dans la société et dans l’économie. Et pourquoi ? Parce que c’est l’Etat qui a la responsabilité de la santé de la société. Si les populations ne se sentent pas bien dirigées, elles peuvent demander la démission de l’autorité étatique. En toute chose, c’est plutôt l’opportunité de l’action et le choix de l’acteur approprié qui prime et non des théories qui fixent à priori des rôles. Autrement dit, le rôle et la place de l’Etat dans l’économie doivent être fonction des objectifs qu’on se vise et de la réalité qui se présente à l’intelligence humaine à chaque instant. L’Etat, tant que son action n’est pas un obstacle à l’atteinte de nos objectifs dans quelques domaines que ce soit, doit agir.

Dans le cas des pays pauvres comme ceux de l’Afrique, où le secteur industriel est embryonnaire, une intervention de l’Etat dans le soutien, la création d’entreprises fortes et compétitives sur le plan international est un impératif. D’ailleurs, le désengagement de l’Etat des pays Africains depuis les PAS en 1991 a entrainé une désindustrialisation importante des économies de ces pays.

Aussi, si libéralisation il doit y avoir, ce doit être entre deux pays ayant presque la même structure économique. Un pays pauvre qui ouvre ses frontières à un pays riche, technologiquement en avance, ne s’industrialisera pas sans un minimum de protection. Il sera condamné à ne proposer que de la main-d’œuvre bon marché aux industries du pays riche, des matières premières dont les prix auront tendance à se détériorer.

C’est pourquoi une politique interventionniste est nécessaire. Elle doit pouvoir protéger les économies faibles de la prédation des multinationales. Car il faut le reconnaitre, le libéralisme sert les intérêts des capitalistes qui pourront accumulés les richesses au détriment des pauvres. Vous voulez des chiffres ?

Le revenu des 500 individus les plus riches de la planète dépasse les revenus cumulés des 416 millions de personnes les plus pauvres.

La dette des pays de l’Afrique subsaharienne était de 130 milliards de dollars en 2007, alors que les dépôts des riches de ces mêmes pays dans les banques du Nord s’élevaient à 230 milliards de dollars !

Or aucun pays ne peut réellement se développer sans une industrialisation de son économie. On ne peut pas se contenter d’exporter des matières premières depuis plus de 50 ans et affirmer que les choses avancent. La majorité des pays africains sont foncièrement dépendants de certaines matières premières comme le coton (Burkina), l’uranium (Niger), le café-cacao (côte d’ivoire) etc. La politique d’endettement dans laquelle les économies du Nord les ont conduits, favorise cette spécialisation et donc cette dépendance toujours accrue.

C’est pourquoi, l’Etat doit contrôler l’économie, veiller à mobiliser le maximum de ressources pour investir, encourager la création d’emploi. Pour cela, il faut que la libre transférabilité des capitaux soit supprimée. Il faut une « transférabilité » partielle de nos capitaux, afin d’éviter leur fuite vers les banques du nord. Il faut veiller à accroitre les crédits à l’économie sans que cela n’entraine une inflation incompatible avec un niveau de croissance économique approprié. Il faut veiller à ce que l’investissement public n’évince pas l’investissement privé, mais ait plutôt un effet d’entrainement positif sur lui.

Quand les économies des pays africains seront fortes, elles pourront facilement profiter des avantages du libéralisme économique. Elles pourront s’ouvrir au marché mondial sans restriction afin de tirer avantage du commerce international. (Tel est le cas de la Chine aujourd’hui).

Souleymane YAMEOGO  souleyman_niets@yahoo.fr

 



24/09/2010
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